vendredi 15 octobre 2010

Contes des pays de neige

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J'emprunte ici volontairement le titre d'un des volumes de recueil de contes illustrés par Adrienne Segur, pour commencer ce post. Puisque nous sommes dans la semaine de la Russie, j'avais envie, plutôt que d'aborder le sujet de la grande littérature russe, de converser avec vous de ce qui a bercé et baigné mon enfance, mon adolescence, et me ravit toujours aujourd'hui, vingt-huit ans après. Ce sont les contes russes. Mais pas n'importe lesquels, je l'avoue avec le plaisir d'un fin gourmet. Les contes russes illustrés par Bilibine, et traduits par Luda





Livre précieux s'il en fut, fait d'un papier tout particulier - sorte de papier recyclé ou de papier dessin très épais, naturel, nu de tout aprêt, et donnant cet aspect si unique au recueil -, gardé jalousement par ma mère. Ces riches images qui m'ouvraient la porte d'un univers lointain, merveilleux et étrange, il m'était autorisé de temps en temps de les regarder sous l'oeil vigilant de ma mère (elle savait bien pourtant combien j'étais minutieuse, que redoutait-elle ?). Heures bénies et précieuses... Je m'en délectais, avidement, comme pour en faire provision en les contemplant, essayant d'en emporter le plus possible. Je n'ai pas le souvenir de ma mère me lisant des histoires ou des contes, elle ne l'a d'ailleurs jamais fait. C'était donc un pur rapport visuel. Combien d'heures j'ai pu passer, à me perdre dans le moindre détails de ces illustrations ! que ce soient les motifs géométriques de leurs bordures, les lettrines enluminées de dentelles rougeoyantes ou les deux figures de harpies qui ouvraient chaque conte... Puis le temps passant, aux images a fait suite la mélodie des mots. "Un conte se dit vite, le chemin se fait lentement". Rien n'est plus approprié en l'occurrence que cette petite phrase magique. Le premier de tous les volumes - j'ai oublié de préciser qu'ils étaient presque de l'épaisseur d'un fascicule, chaque conte ayant son propre livre - que j'ai eu en mains, et qui m'a le plus marquée, est le Conte d'Ivan Tsarevitch, de l'Oiseau de feu et du Loup gris (à lire ici - dans ce lien, les vignettes de la colonne blanche de droite, ainsi que pour les autres contes, sont extraites de Bilibine). Pur bijou, brut, à l'atmosphère fascinante et sombre (presque autant que Maria des Mers), il constitue mon premier rapport à l'univers des contes, de l'art et de l'imaginaire. 
Cette forêt à l'entrée de laquelle on rencontre la mort ou la vie, étend son ombre sur le conte, emmené par le style de Luda. "Le loup court, d'un bond passe les monts, d'une foulée franchit les vallées, des pattes dévore l'espace, de la queue efface la trace". Ce leitmotiv qui au début pourrait ressembler à ceux, enfantins que l'on trouve en général dans les contes (j'en citais un plus haut), prend très vite une tonalité, une tournure plus sombre, nous rappelant que ce loup parlant appartient bien à l'univers animal, sauvage et menaçant. Hormis une image comme la première, dans laquelle l'oiseau de feu dérobe les pommes du jardin royal, ou la dernière, heureuse, des noces, le reste du conte se différencie un tant soit peu des autres livres. Les images sont plus dépouillées, moins solaires, dans des tonalités bleu gris, traversées de vols de corbeaux. C'est un conte où la dépouille du héros gît un moment décapitée, tandis qu'à d'autres moments peuvent sortir de minuscules noix et noisettes de merveilleuses étoffes de soie sur lesquelles sont peintes les fresques les plus chatoyantes de la cité royale.
"«Celui qui ira tout droit, aura froid et faim; celui qui prendra à droite, restera sain et sauf, mais perdra son cheval; et celui qui ira à gauche sera tué, mais son cheval vivra.»  Réflexion faite, Ivan-tsarévitch prit le chemin de droite pour ne point perdre la vie. Il chemina ainsi trois jours durant et parvint à une grande et sombre forêt. Soudain, un loup gris bondit à sa rencontre. Le tsarévitch n'eut même pas le temps de dégainer son glaive, que le loup égorgeait son cheval et disparaissait dans les fourrés. "

Mais je crois que tous les contes russes, contiennent plus ou moins cette dimension sombre, que Bilibine a toujours soulignée, et dont il a su tirer parti, comme dans Vassilissa-la-très-belle : les crânes servant de torche dont la pourvoie Baba-Yaga, ou ses cavaliers que croise par trois fois la jeunes fille, celui de l'aurore, du jour, et enfin celui du crépuscule. 

Tous ces contes fourmillent en effet de mort, d'os, de petits ossements surtout, de dévoreurs et d'assassins. S'ils faisaient peur et inquiétaient un peu, ils ne suscitaient pourtant pas cette sensation bizarre, étrange, comme le faisait L'oiseau de feu.
Autre conte, dont on peut lire le nom sur la couverture plus haut, celui de La Plume de Finist-Fier-Faucon, dont on retrouve la variante française dans le Conte de l'Oiseau bleu. Il m'émeut toujours autant. 
A vous de le découvrir.








4 commentaires:

Anonyme a dit…

Cet article donne vraiment envie d'avoir un de ces livres entre les mains!!!

Jsparkenbroke a dit…

Je me sens pourtant encore bien maladroite en m'exprimant !!
Sinon, ils sont en ce moment en vente sur ebay.
Mais il faut faire attention de ne pas les confondre avec l'édition récente qui en a été refaite, dans les années 2000, sur une sorte de papier glacée, très déplaisante. L'édition dont je parle était imprimée à la Farandole, en 1976 (puis je crois un peu début 80).

Le lien d'ebay, les autres volumes y sont peut-être:
http://www.google.fr/imgres?imgurl=http://bibliama.ovh.org/Bibliophilie/CRPLUMEBIBLINE1.jpg&imgrefurl=http://cgi.ebay.fr/PLUME-DE-FINIST-FIER-FAUCON-Contes-Russes-BILIBINE-/310140580134&usg=__AfVMY1EU3uD_YqsnnDksg-N6kYk=&h=445&w=325&sz=51&hl=fr&start=1&sig2=xUOGwyLWHGCW3LuqjXCuvA&zoom=1&um=1&itbs=1&tbnid=VdyQ5nOid8TAXM:&tbnh=127&tbnw=93&prev=/images%3Fq%3Dfinist%2Bfier%2Bfaucon%26um%3D1%26hl%3Dfr%26client%3Dsafari%26sa%3DN%26rls%3Den%26tbs%3Disch:1&ei=BEe5TPugOcnIswat17i3DQ

Jsparkenbroke a dit…

eeeeeuuuuuh....... je n'avais pas vu le prix ! ^^
Je jure que ma mère est loin de les avoir acheter un tel prix, d'autant qu'il y en a en tout une demi-douzaine ... !!!

Jsparkenbroke a dit…

En tous les cas ça ne coûte rien d'aller faire un tour sur ce lien, l'éventail d'images proposé donne un bel aperçu de ce dont je parlais

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