samedi 4 février 2012

L'offrande à la Nature

 Dieu que la campagne était belle aujourd'hui !
Ce soleil merveilleux de début d'après-midi qui la réchauffait doucement, réchauffait la terre ; ces quelques parcelles gelées ici et là sur l'Yèvrette lorsque je la traversais en voiture direction la Touraine ; la lumière se jouant à travers les arbres dénudés. Tout était beau et tout respirait la vie malgré ce froid transperçant de l'hiver. Jusqu'au petit troupeau de chevaux que je croisais, la robe miroitant au soleil, l'un d'eux se relevant majestueusement de terre de ce mouvement noble et sauvage qui leur est bien particulier lorsque j'arrivais à leur hauteur. 
En moi montait alors naturellement cette poésie d'Anna de Noailles, "L'Offrande à la Nature". J'aime la poésie intimiste d'Anna de Noailles, elle est toujours pour moi comme une mélodie doucement murmurée, dans laquelle je me retrouve, surtout dans son recueil Le Coeur innombrable. Et j'y trouve toujours beaucoup d'apaisement. Ce poème c'est un peu de moi, mon portrait quelque part.

"Nature au coeur profond sur qui les cieux reposent,
Nul n'aura comme moi si chaudement aimé
La lumière des jours et la douceur des choses, 
L'eau luisante et la terre où la vie a germé.

La forêt, les étangs et les plaines fécondes
Ont plus touché mes yeux que les regards humains,
Je me suis appuyée à la beauté du monde
Et j'ai tenu l'odeur des saisons dans mes mains.

J'ai porté vos soleils ainsi qu'une couronne
Sur mon front plein d'orgueil et de simplicité.
Mes jeux ont égalé les travaux de l'automne
Et j'ai pleuré d'amour aux bras de vos étés.

Je suis venue à vous sans peur et sans prudence, 
Vous donnant ma raison pour le bien et le mal,
Ayant pour toute joie et toute connaissance
Votre âme impétueuse aux ruses d'animal.`

Comme une fleur ouverte où logent des abeilles
Ma vie a répandu des parfums et des chants,
Et mon coeur matineux est comme une corbeille
Qui vous offre du lierre et des rameaux penchants.

Soumise ainsi que l'onde où l'arbre se reflète
J'ai connu les désirs qui brûlent dans vos soirs
Et qui font naître au coeur des hommes et des bêtes
La belle impatience et le divin vouloir.

Je vous tiens toute vive entre mes bras, Nature,
Ah ! Faut-il que mes yeux s'emplissent d'ombre un jour
Et que j'aille au pays sans vent et sans verdure
Que ne visitent pas la lumière et l'amour... "

                                                            in Le Coeur innombrable.

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