lundi 23 janvier 2012

Serge Kerval


Avec la nouvelle année, et ses bonheurs qu'elle m'apporte, commencent les bonnes résolutions. Je débute enfin le blog Serge Kerval, depuis longtemps promis. Les chansons apparaîtront au fil des semaines, et au gré de mes humeurs. Bonne et belle découverte à vous. Et pour ceux qui le connaissaient déjà, j'espère vous toucher à nouveau par ses airs et ses ballades, de la Loire à Ouessant.
Je remets le lien du blog, mais il est facile de le trouver parmi les favoris de Feuilles.de.Tomates : http://sergekerval.wordpress.com/2012/01/22/hello-world/

jeudi 12 janvier 2012

Calendrier (ou comment ouvrir la porte à cette nouvelle ère)

CALENDRIER

  J'ai lié les unes aux autres mes convictions et agrandi ta Présence. J'ai octroyé un cours nouveau à mes jours en les adossant à cette force spacieuse. J'ai congédié la violence qui limitait mon ascendant. J'ai pris sans éclat le poignet de l'équinoxe. L'oracle ne me vassalise plus.  J'entre : j'éprouve ou non la grâce.
  La menace s'est polie. La place qui chaque hiver s'encombrait de régressives légendes, de sibylles aux bras lourds d'orties, se prépare aux êtres à secourir. Je sais que la conscience qui se risque n'a rien à redouter de la plane.
   "Seuls demeurent", in Fureur et Mystère, René Char.


C'est sous ces auspices que j'entre à mon tour dans cette nouvelle année qu'est 2012. Non plus la "nostalgie du possible", comme l'écrivait Tabucchi, mais bien cette fois le Possible, délivré de toutes chaînes et qui n'attend que de germer. J'ai ouvert ma porte au Possible et à la vie. Equinoxe d'un temps nouveau, même si je la célèbre un peu en avance, au plein coeur de l'hiver.
Et comme le chante Marc Ogeret dans sa reprise de Pablo Neruda ("Se taire"), "la Terre nous dira peut-être que lorsque tout paraissait mort, tout ensuite était bien vivant".
Il est des êtres qui étaient là pour croiser notre route, ne serait-ce que pour un court instant - même si l'on souhaite que cela dure un peu plus que le temps d'un bref instant. Profiter du bonheur durant cet arrêt, cette suspension du temps. Rencontre de deux êtres, fragilité du moment et fugacité du contact. 
Il n'y avait que Georges Mounin, pour en donner une si belle lecture/description.
   "Un jour ce vers vint à ma rencontre. Saurai-je dire pourquoi ? C'était tôt le matin, c'était la campagne, j'allais par de petits chemins. J'allais sans y penser à quelque humble besogne. La veille avait été une journée splendide et cela peut-être a compté. J'allais allègre et je marchais bon pas, certainement j'étais sans y songer tout prêt de mon poème. Mais rien de tout ceci n'explique pourquoi je vis dans ce vers ce que je n'y avais jamais encore aperçu. J'y vis soudain la douceur du geste, l'autre membre de la phrase éclipsé par l'éclat du mot équinoxe : j'ai pris sans éclat le poignet de l'équinoxe. Je vois ce geste, je me souviens maintenant de cette nuance qu'il y a dans la tendresse chaque fois que l'on prend - ou plutôt les rares fois - qu'on a pris,  non la main, mais le poignet d'une femme. Ce trouble, cet espoir de plus, cette confiance déjà. Il a fallu, venus je ne sais d'où je ne sais pourquoi vers ma joie de ce matin-là, des souvenirs d'amour et de femme, pour qu'un vers - un vaste poème, - naquît en moi. L'équinoxe a pris le visage des femmes auxquelles un jour j'ai pris le poignet, le visage qu'elles avaient quand je leur ai pris le poignet. Cette gravité. Cette sérénité. Cette tendresse. J'ai reconnu l'équinoxe, le plus beau visage du temps : arrêté dans sa trajectoire par l'émotion, par l'amour, par la poésie. Je vérifie maintenant l'exactitude émotionnelle de l'"équinoxe"; de cette image d'égalité des temps sidéraux, qui me suggérait à mon insu dans le tissu d'une phrase toute douceur, la paix dans l'écoulement du temps.
    J'ai pris sans éclat le poignet de l'équinoxe a dit le poète. C'est-à-dire : touché par la grâce poétique, par l'émotion salubre, je me sens accordé au temps au cours d'une opération ineffable et pourtant exprimée. C'est-à-dire : je suis heureux." ("Avez-vous lu Char?", in La Communication poétique)